Mardi 16 octobre, 7 heures du matin. Une dizaine de policiers armés se présente au domicile de Jean-Luc Mélenchon. Parallèlement, une dizaine d'autres perquisitions sont organisées: siège de la France insoumise, siège du Parti de Gauche, et d'autres domiciles privés de collaborateurs et anciens collaborateurs du chef de file de l'opposition.
Deux motifs sont évoqués: une enquête en cours sur les comptes de campagne de l'élection présidentielle de 2017, et une enquête sur les assistants parlementaires de Jean-Luc Mélenchon lors de ses mandats de député européen.
Une action totalement disproportionnée
Mais de quoi parle-t-on?
Concernant son activité en tant que député européen, l'accusation contre Jean-Luc Mélenchon est partie de Sophie Montel, élue du Front National. En juillet 2017, alors que le parti d'extrême-droite est poursuivi pour des soupçons d'emplois fictifs au sein du Parlement Européen, sa porte-parole accuse le chef de fil de la France insoumise lors de son audition.
La plainte initiale date donc d'un an et demi. Depuis? Rien. Ou plutôt une chose: Jean-Luc Mélenchon a dénoncé les "calomnies" de Sophie Montel. En réponse, Florian Philippot avait assuré que ces informations se trouvaient... sur Google.
Quant aux comptes de campagne, après l'analyse des documents remis par l'équipe du candidat de la France insoumise, la commission des comptes de campagne (CNCCFP) dépose sa validation le 13 février 2018. Cependant, suite à la démission d'un de ses rapporteurs pour "divergences" entre ses conseils et les décisions prises par sa direction, la CNCCFP décide de saisir le parquet. L'enquête est alors ouverte. Comprenez donc: la commission valide d'abord les comptes, avant de finalement saisir le parquet.
Rien de tout cela ne justifie une action aussi importante. Une centaine de personnes mobilisées, et des heures de perquisitions coordonnées. Y avait-il urgence? S'agissait-il d'un cas majeur de sécurité? La Nation était-elle en danger? La mise en scène autour de l'événement est grossière.
Un coup politique?
Secrétaire National de l'Union des Magistrats, Jacky Coulon s'est exprimé sur l'opération au micro de BFM TV: "les soupçons d'instrumentalisation de la justice n'auraient pas lieu d'être si le statut du parquet garantissait son indépendance dans une affaire qui a des aspects politiques évidents!".
La décision date du mois de janvier dernier. Emmanuel Macron a refusé l'indépendance des magistrats du parquet. Comprenez: ces derniers sont placés sous l'autorité hiérarchique du pouvoir exécutif, à travers le Garde des Sceaux.
L'opération de ce matin ayant été décidée par un procureur (magistrat du parquet, pour les non-renseignés). Comment alors ne pas soupçonner un acte purement politique?
Il faut bien le dire: plus encore que l'aspect disproportionné, c'est le timing de l'affaire qui interpelle.
Englué dans remaniement sans fin, pris en pleine crise politique, toujours affaibli par l'affaire Benalla, fragilisé par les petites phrases dévastatrices d'Emmanuel Macron... l'exécutif traverse une phase particulièrement difficile, sanctionnée par une baisse spectaculaire dans l'opinion. Cette affaire tombe donc parfaitement, pour un coup double presque idéal: d'un côté, l'attention publique est portée sur un autre sujet. De l'autre, la première force d'opposition peut être décrédibilisée par une affaire en lien avec la justice.
La France insoumise, elle, n'hésite pas et dénonce un coup de force policier, judiciaire et politique. De nombreux représentants politiques lui ont également apporté leur soutien. De Benoît Hamon à Olivier Besancenot, en passant par Patrick Le Hyaric ou Philippe Poutou, toute la gauche a semblé faire front commun pour dénoncer la "mise en scène", la "violence" et l' "indignité" du pouvoir, ou encore le "deux poids deux mesures" entre les opposants politiques et les soutiens de "Jupiter".
L'ombre de l'affaire Benalla: deux poids deux mesures?
Par Bastien Parisot
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