J'ai assisté jeudi matin dans les tribunes du public de l'assemblée nationale au débat sur la proposition de loi du Front de Gauche sur l'amnistie. Déjà, je dois dire que cela m'a fait tout drôle d'assister à un
débat à l'assemblée, c'était la première fois depuis juin dernier. Mais cette fois-ci j'étais spectatrice et plus actrice. J'ai découvert au passage qu'en tant que ancienne députée j'avais le droit d'assister sans passer par la demande de billet de séance alors que j'avais eu l'information contraire. Pas grave, un ami fidèle m'avait permis d'obtenir un billet que je n'ai donc finalement pas utilisé. Dorénavant, en tous les cas, je le saurai et si l'envie me prend de venir faire un tour pour écouter, je n'aurai qu'à pousser la porte. Pourquoi le faire depuis les tribunes du public plutôt que devant son ordinateur ? La vision n'est pas du tout la même, là on voit les mimiques, les gestes, les réactions et parfois c'est très instructif.
Pas toujours facile ces 2 heures et demi où je suis restée : l'envie d'intervenir me démangeait ! J'ai pris consciencieusement des notes car le moment était d'importance et je ne voulais pas me tromper sur ce que je retransmettrai ensuite. A l'heure où je vous écris, le compte-rendu a été mis sur le site de l'assemblée ici . Cela a été rapide, ce n'est pas toujours le cas. Vous pourrez donc vérifier ce que je vais vous raconter.
Le premier à prendre la parole a été le représentant du gouvernement. Au Sénat, c'était Christiane Taubira. Mais comme ayant salué le vote de cette loi et le gouvernement ayant entre temps changé de position, il lui était difficile de venir se dédire à l'assemblée. C'est donc Alain Vidalies,ministre chargé des relations avec le parlement qui s'y est collé. Déjà, la semaine dernière, lorsque je l'avais vu déclarer que François Hollande avait toujours été contre l'amnistie, cela m'avait fait bizarre. Nous avions mené tant de combat commun pendant les 10 ans de gouvernement UMP en défense des droits des travailleurs et des syndicats. Je me disais en l'écoutant, ce n'est pas possible qu'il pense vraiment ce qu'il est en train de dire, il est devenu schizophrène. Au passage, on ne peut que se demander quand Hollande dit la vérité : lorsqu'il nous reçoit à l'Elysée avec Jean-Luc Mélenchon et qu'il répond à notre demande que c'est une bonne idée ? Ou lorsqu'il fait dire à son ministre qu'il a toujours été contre et qu'il le redit jeudi en conférence de presse ? Mais en osant faire un parallèle ignoble et inadmissible entre les casseurs du Trocadéro et les syndicalistes pour justifier son refus.
Tout le discours d'Alain Vidalies a eu pour objectif de démontrer qu'il n'y avait absolument pas lieu de voter de loi d'amnistie: « Nous pouvons donc comprendre que, du fait de la situation économique et sociale, certaines personnes soient conduites à défendre leurs droits fondamentaux, à défendre les services publics et la protection sociale. Cela étant, le vote d’une loi d’amnistie n’est pas une question de droit social, mais exclusivement une question de droit pénal. » Donc « le Gouvernement est opposé à toute amnistie, qui même appelée sociale, reste toujours une amnistie pénale. ».. « Pour le Gouvernement, on ne peut traiter de la souffrance sociale par un traitement moral qui viendrait distribuer à telle ou telle catégorie le pardon public. Car nous devrions, de surcroît, recommencer régulièrement ».
Pour lui visiblement être réprimé lorsqu'on se bat pour ses droits est normal et on ne peut et ne doit rien faire contre ! Donc « Personne ne peut s’exonérer du débat sur le respect de la loi républicaine. Et si l’on acceptait d’envisager sa remise en cause par le vote d’une loi d’amnistie, chacun comprendrait dès lors qu’il est quasi impossible de hiérarchiser la légitimité des transgressions à la loi. »
Il y a toujours eu des militants pour transgresser les lois existantes afin de les faire évoluer et heureusement : peut-être est-ce son jeune âge à l'époque qui lui fait oublier que François Mitterrand et Laurent Fabius ont été inculpés pour avoir soutenu les radios libres sous Giscard et notamment créer Radio Riposte. Ou les hommes et les femmes qui se sont battus pour l'IVG y compris en pratiquant des avortements clandestins ou en revendiquant de s'être fait avorter comme le manifeste des 343. Plus près de nous des faucheurs volontaires ont transgressé la loi et ont été condamnés avant que celle-ci n'interrompe la diffusion des OGM dans notre pays. Ils ne seront donc pas amnistiés. Mais le ministre ne pouvait ignorer que le délit d'offense à chef de l'état, cette survivance monarchique inimaginable contenu dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse, venait d'être supprimé la veille, mercredi 15 mai et ce grâce à la ténacité de Hervé Eon, militant du PG, sanctionné pour avoir brandi une pancarte « casse-toi pauvre con » et qui a fait condamner la France par la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) le 14 mars dernier pour violation de la liberté d'expression. Avec le refus de la loi d'amnistie, et malgré l'abrogation du délit, les lois ne pouvant être rétroactives, sa condamnation demeure. La suite sur le blog de Martine Billard