Si l’UE tient à survivre, ses représentants devraient faire savoir clairement quel est son objectif. Elle ne doit pas devenir une fédération, mais une Union dotée d’un constitution, tournée vers l’extérieur, qui protège sa diversité et cesse de s’élargir, estime le politologue néerlandais Paul Scheffer. Extraits.
Le 22 mai 2014 auront lieu les prochaines élections européennes. Elles promettent de tourner au règlement de comptes : on ne peut exclure que les populismes de gauche et de droite, qui ne veulent pas que l’Europe acquière plus de poids, deviennent une force influente au parlement européen. Si les politiciens des partis centristes ne proposent pas leur propre conception de l’avenir de l’Europe, le populisme se révèlera la seule alternative politique. Voici quatre piliers sur lesquels pourrait s’appuyer un autre récit sur l’Europe.
1.
L’unification européenne a longtemps porté sur les frontières intérieures – la fameuse idée de "plus jamais de guerre" – mais dans les prochaines décennies, elle se concentrera davantage sur les frontières extérieures. Ce qui motive fondamentalement l’intégration se situe en dehors du continent, car le vieux continent n’a plus du tout la même place dans ce monde nouveau. Quand l’Europe demande de l’aide à des pays comme l’Inde, le Brésil et la Chine pour surmonter la crise monétaire, nous savons que quelque chose a fondamentalement changé. Un nouveau récit sur l’ "Europe" doit donc prendre non plus Berlin comme point de départ, mais Pékin, il ne doit plus commencer à Paris, mais à Sao Paulo.
2.
Ce regard porté sur l’extérieur nous donne une autre information fondamentale pour une histoire de l’Europe tournée vers l’avenir. Examinons par exemple l’Indice de développement humain. Les cinq pays qui sont arrivés en tête du classement selon cet indice en 2012 sont, successivement, la Norvège, l’Australie, les Etats-Unis, les Pays-Bas et l’Allemagne. La Belgique arrive au 17e rang, la France au 20e et le Royaume-Uni au 26e. A cet égard, les pays dits BRIC se distinguent par leurs piètres performances : la Russie se classe en 55e position, le Brésil est 85e, la Chine 101e et l’Inde n’obtient quant à elle pas mieux que la 136e place. L’indice de corruption dresse un tableau comparable : les pays occidentaux s’en sortent bien mieux que les pays BRIC. Nous découvrons ainsi, peu à peu, la vitalité cachée de la plupart des sociétés européennes. Par comparaison, non seulement elles sont très égalitaires, elles offrent de bonnes conditions de vie, la corruption y est faible et l’Etat de droit y fonctionne raisonnablement bien. Dans les discours sur l’Europe, cette perspective comparative est malheureusement absente : or elle permet de dévoiler la qualité de nos sociétés. Par Paul Scheffer la suite sur PressEurop