Après Paris, c'est Marseille, deuxième plus grande ville de France, qui a annoncé son plan « 1 000 caméras ». La question était à l'ordre du jour du Conseil municipal extraordinaire qui avait lieu ce lundi 30 mai dans la cité phocéenne. De fait, les municipalités de toutes tailles, de la grande métropole jusqu'au village de zone rurale, sont de plus en plus nombreuses à s'équiper en vidéosurveillance. Elles répondent en cela à une « priorité absolue» (François Fillon) de la politique de sécurité depuis 2007. Et pourtant, l'efficacité de cette technologie est tout sauf démontrée du point de vue scientifique.
Rappelons d'abord que la vidéosurveillance est utile à bien des choses. Pour surveiller des entrepôts ou des dépôts de véhicules afin de lutter contre le vol de matériel. Même chose pour les parkings et le risque de vol dans les voitures. Les banques l'utilisent pour filtrer les entrées et sorties et réduire les risques de braquage. Des magasins s'en servent contre le vol à l'étalage. Les casinos pour repérer les tricheurs. La vidéosurveillance contribue aussi à la sécurité publique. On l'utilise pour surveiller le trafic autoroutier. Les sites industriels sensibles l'utilisent en prévention des incidents... Tout ceci existe et fonctionne plus ou moins bien depuis longtemps. La vidéosurveillance est en effet utilisée dans des buts précis, afin de gérer des risques concrets bien identifiés.
Mais ce que l'Etat appelle désormais « vidéoprotection » et qu'il tente de généraliser à toutes les collectivités territoriales (et aux bailleurs sociaux) par une pression politique et une incitation financière, c'est autre chose. Il s'agit ici de déployer des caméras dans l'ensemble de l'espace public, essentiellement dans les rues de nos villes et de nos villages, pour y surveiller tout en général et rien en particulier, en affirmant que cela aura des effets à la fois préventifs et répressifs permettant de diminuer significativement la délinquance. Or les évaluations scientifiques contredisent cette affirmation, remettant ainsi en question la bonne gestion de cet argent public.
La nécessité d'une évaluation scientifique indépendante Lire la suite Par Eric Heilmann, Tanguy Le Goff et Laurent Mucchielli