Dix-sept lieux perquisitionnés simultanément, soixante-dix policiers mobilisés et un quarteron de magistrats pour les accompagner : Jean-Luc Mélenchon et ses Insoumis ont été traités en djihadistes. JLM hurle à la forfaiture, se montre violent, pas assez mais incompréhensible. Et le flot sorti des robinets à mensonges, ceux des médias qui se rêvent dominants, le noient, le moquent, le ridiculisent, l’invectivent. Jusqu’au Canard Enchainé qui, ceci étant dit en passant, détient 128 millions de provision sur ses comptes, crie « au voleur ». Dans le couloir de la mort sont placés les Insoumis. La cible de l’hebdomadaire du mercredi est le député de ce mouvement, Alexis Corbière. Cet incroyable bandit a bénéficié, complétement légalement d’une « aide au logement ». Pas du tout réservée « aux plus modestes », comme va le klaxonner BFM and co, mais distribuée en fonction des revenus déclarés. Comme, à l’heure de sa demande, Corbière est un modeste prof et sa femme une avocate sans assez de causes, qu’ils ont trois enfants, la feuille d’imposition n’est pas trop lourde. Les Corbière ont donc bénéficié d’une aide de 12 076 euros pour faire des travaux d’isolation et de lutte contre l’incendie. Tout cela n’est pas extravagant, c’est légal. Mais ça alerte les lanceurs d’alerte du Canard. En janvier 72, à une toute autre échelle mais en appliquant la même méthode, l’hebdomadaire a ainsi détruit la carrière politique de Chaban-Delmas par un dossier « d’avoir fiscal », tout aussi conforme à la loi que l’aide de Corbière. Ce sont ici les choix politiques du Canard, mais observons avec un sourire le synchronisme étrange entre un raid de justice et la publication d’une saloperie vraie dans l’hebdomadaire.
Pour la première fois depuis l’arrestation de citoyens se revendiquant de l’extrême-gauche, au tournant des années 1970, un militant a été traité comme un terroriste. Jamais dans l’histoire un député de la Nation n’avait été traité en trafiquant. Même François Mitterrand pour son saut de haie corollaire de son faux attentat de l’Observatoire. Dans notre société du spectacle, cette mise en scène de magistrats et de policiers s’agitant dans la sciure du cirque médiatique vise un objectif. Il est tout politique : donner de Mélenchon et de ses amis l’image d’une bande de malfaiteurs corrompus et organisés. Imprimer la salissure dans l’inconscient collectif ; aussi profondément que les menottes de DSK sortant du Sofitel de New York.
Les éléments de langages, forgés dans les ateliers du mensonge, propagés sur les plateaux de ces télévisions « Nescafé », c’est-à-dire instantanées, doivent convaincre : « Mélenchon et les Insoumis ne sont pas au-dessus des lois et JLM s’auto-crucifie (ce qui n’est pas facile et douloureux), en faisant l’énergumène, l’insoumis à la loi de la République ». Mon œil. Si le député crie c’est qu’on vient de lui faire bien plus mal que ce que l’on ressent en cas de simple application du Code Pénal.
Plus d’un mois après que cette justice a sauté sur le député comme d’autres sur Kolwezi, le moment est venu de démonter la mécanique. De comprendre l’enjeu du raid. Pour ce faire, parachutons-nous en mai 2022 à l’instant de la prochaine élection présidentielle. Le risque est alors grand d’en revenir au schéma de 2017, avec la possibilité, cette fois, d’avoir un Mélenchon classé devant Macron au premier tour. Et, derechef, se retrouvant contre le Front National (pardon le RN), pour la finale. Mélenchon président ! Vite aux abris. Plus loin de Varennes, au Luxembourg avec nos lingots. Pour les « banksters » qui nous gouvernent, l’aléa est insupportable. Notre civilisation étant celle du « risque zéro », l’avatar Mélenchon ne peut être joué. Coup de chance l’actualité offre un scénario. Il est dans l’actualité et vient du Brésil, ça fait un peu samba mais tant pis. C’est le sort réservé à Lula, le chef du Parti des Travailleurs, enchristé à l’aveugle. Voilà un bon schéma applicable au député de Marseille, lui-même ami de Lula. Gardons donc, sous le coude judiciaire, la possibilité de conférer à Mélenchon, le bon moment venu, le statut de délinquant : le trublion sera dans le sac.
Un fasciste dirige aujourd’hui le Brésil ? Même pas mal, « mieux vaut Hitler que le Front Populaire ». Les penseurs sachant penser vont nous traiter de « complotistes ». Pas grave c’est être à la mode. Pour nous, mieux vaut être « complotiste » aujourd’hui que sous Marine demain.
Pour écarter JLM en 2022, il fallait s’y prendre tôt. Quoi de mieux que d’user d’une méthode qui a fait ses preuves, tirée de la boîte à malices de l’univers politico-judiciaire, celle du « filet dérivant ». L’incrimination première de Mélenchon, à l’échelle de l’inflation des budgets de campagne des « grands » candidats lors de la présidentielle de 2017, ne repose sur pas grand-chose. Une somme qui « pourrait atteindre un million », nous disent les justes de la Commission des comptes de campagne. Un million d’argent public que les Insoumis auraient « empoché indûment ». Si le compte des implacables comptables est bon, c’est une faute. On peut, on doit poursuivre. Tout cela par un exercice banal du droit, par une étude comptable rigoureuse sous l’œil d’un juge. Ce n’est pas très sexy et Mélenchon peu alors très vite, comme il le clame, s’avérer innocent. Le coup politique est manqué. Et JLM peut même sortir grandi. Par Par Jacques-Marie BOURGET et Bérenger TOURNE Lire la suite ici