Au Sénat, selon certains fonctionnaires, ils se comportent en «demi-dieux». Ils se sentent ici chez eux. Les questeurs (deux sénateurs UMP, un PS), inconnus du grand public, jouent un rôle clef en coulisse: ils gèrent les 346 millions d'euros de budget du Sénat, sans que le pouvoir exécutif puisse y mettre le nez. En grands argentiers, ils valident les dépenses, ont autorité sur les services, distribuent les bureaux, attribuent les marchés publics.
Désignés par leurs pairs, ils sont en théorie choisis pour leur moralité, souvent pour leur capacité à garder petits et grand secrets. En contrepartie de leurs responsabilités, ces dignitaires jouissent de privilèges que tout parlementaire de base leur envie. Lesquels? La maison entretient savamment le mystère: dans les documents budgétaires accessibles aux citoyens, aucun détail ne transparaît.
Après une longue enquête, freinée par de hauts fonctionnaires et des élus soucieux d'entretenir l'opacité, Mediapart lève le voile sur le train de vie de ces questeurs, et sur les abus que l'institution tolère.
Pour commencer, ces trois dignitaires – René Garrec (UMP), Jean-Marc Pastor (PS) et Gérard Dériot (rattaché à l'UMP) – bénéficient d'un complément de revenus. En plus de leur traitement de base de sénateur (7.100 euros brut par mois + 6.240 euros net d'«indemnité représentative de frais de mandat»), ils touchent une «indemnité de questeur» qui atteignait, fin 2010, 5.170 euros brut par mois. Ce «bonus» n'est pas vraiment secret: le président du Sénat, Gérard Larcher (UMP), s'est récemment vanté de l'avoir diminué.
Mediapart a cependant fait une découverte: les questeurs bénéficient d'une autre rallonge, annuelle celle-ci, pour «frais de représentation». Son montant? Le service communication du Sénat refuse d'en confirmer ne serait-ce que l'existence. Ces crédits s'élèvent pourtant, d'après nos informations, à 11.600 euros par questeur en 2011. Cet argent n'est pas versé sur leur compte, mais il suffit de présenter des factures au service de la trésorerie.
Peut-on savoir comment les différents questeurs usent de cette enveloppe? En dîners, en costumes, en voyages? La réponse est non. Sur ce sujet, le Sénat se ferme comme une huître, personne ne se risque à répondre: ni les questeurs actuels, ni les anciens, ni les hauts fonctionnaires qui valident les notes de frais, ni la présidence. Ne parlons pas du service de presse. Impossible, de même, de savoir quels moyens le Sénat met en œuvre pour surveiller ces dépenses, prévenir d'éventuelles fausses factures notamment. Lire la suite sur Médiapart
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