Républicaine donc de Gauche, parce que "capitalisme, libéralisme,mondialisation économique" sont antagonistes avec notre devise "liberté, égalité,fraternité" ;la déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen ; le préambule de la constitution de 1946 ; la déclaration de Philadelphie et le Conseil National de la Résistance.
Emmanuel Macron a envoyé une lettre aux français, il était nécessaire de lui répondre en débordant du cadre imposé. Rappelant ses déclarations humiliantes en commençant par la dernière sur le «sens de l'effort», il me semblait indispensable de battre en brèche son hypothèse jamais remise en cause de l'emploi à tout prix et de la valeur travail.
Monsieur,
Vous m’avez écrit le 13 janvier dernier, il était donc tout à fait normal que je vous réponde. Pour commencer et avant de développer plus amplement, je tenais à préciser que je ne me sens pas faisant partie de « votre peuple ». En effet, et il me semble que cela est peu relevé, vous employez souvent l’expression « mon peuple » pour parler des habitants de France. Si je ne conteste pas mon appartenance au peuple, je revendique le fait de ne pas faire partie du vôtre. D'ailleurs faudrait-il se poser la question : qu’entendez-vous par « mon peuple » ?
Cette précision faite, je voudrais essentiellement vous répondre sur un sujet qui devrait à mon avis être au cœur du débat : celui de l’emploi à tout prix et de la valeur travail dont vous parlez tant. Votre phrase « tous les français n’ont pas le sens de l’effort » en est une parfaite illustration. S’il est vrai que le mépris dont vous faites preuve régulièrement envers celles et ceux qui sont au chômage n’est pas partagé par tous, l’hypothèse jamais remise en cause de « l’emploi à tout prix et sa valeur travail » fait l’unanimité dans la classe politique. L’emploi à tout prix est même une obsession chez vous puisqu’il est au cœur de toutes les phrases pleines de morgues, devenues célèbres, prononcées du haut de votre grandeur sur un piédestal devenu bien fragile. Pour rappel, car les mots ont un sens et la parole est performative :
« Le meilleur moyen de se payer un costard, c’est de travailler » (Ecole numérique de Lunel dans l’Hérault, 27 mai 2016)
« Une gare, c’est un lieu où l’on croise les gens qui réussissent et les gens qui ne sont rien » (Halle Freyssinet Paris, 29 juin 2017)
« Je ne cèderai rien, ni aux fainéants, ni aux cyniques, ni aux extrêmes » (Ecole française d’Athènes, 8 septembre 2017)
« Certains, au lieu de foutre le bordel, feraient mieux d’aller regarder s’ils ne peuvent pas avoir des postes là-bas » (Corrèze, 4 oct. 2017)
« Je traverse la rue et je vous en trouve » (à propos du travail, adressé à un chômeur, jardin de l’Elysée, 16 sept 2018)
Et ajoutons sur les « migrants » :
« Le Kwassa-kwassas pêche peu, il amène du comorien » (Ethel, Morbihan, 1er juin 2017)
Personne n’a relevé que derrière la violence inouïe de ces propos se cachait une idéologie hélas partagée par une grande majorité. Cette idéologie est posée comme hypothèse jamais remise en cause, elle est le fondement de toutes les politiques et l’obsession des commentateurs : rétablir le plein emploi afin que chaque citoyen s’épanouisse.
Tout d’abord monsieur, le plein emploi n’existe pas et n’a jamais existé. J’ose espérer que pendant vos nombreuses années d’études, vous n’avez pas séché ce chapitre. En effet, vous n’êtes pas sans savoir que le plein emploi que la France a connu était un plein emploi fictif : une époque (années 50 et début années 60) où presque la moitié de la population n’était pas employée à savoir les femmes. Et c’est d’abord une mise au point à faire : si nous voulons comprendre l’enjeu de ce débat, il faut impérativement différencier l’emploi et le travail. Ces deux termes ne se recouvrent pas. L’emploi est obligatoirement sanctionné par une fiche de paye. Après avoir dit cela, on comprend parfaitement que bon nombre de personnes travaillent sans être employées. A commencer par l’immense majorité des femmes après-guerre qui ont énormément travaillé (élever les enfants, tâches ménagères, etc. etc.) sans être employées. En vous écrivant je travaille sans être employé. La liste de celles et ceux qui travaillent sans être employés est immense, à commencer par tous les étudiants.
Pour comprendre l’aberration du plein emploi tant souhaité par beaucoup, il suffit de poser les chiffres :
Il y a 6 millions de chômeurs dans ce pays (source les échos : chiffre au plus bas si l’on considère uniquement les inscrits à Pôle Emploi). Même si l’on arrivait à créer 1 million d’emplois (ce qui serait énorme), il resterait encore au minimum 5 millions de personnes précarisées. On en fait quoi ? On en parle ou elles sont quantités négligeables ?
En ce domaine, force est de reconnaître que vous n’avez pas l’exclusivité des recettes à coups de baguettes magiques. Certains sur votre gauche préconisent l’interdiction des licenciements et le partage du temps de travail. Je n’ai rien contre ces propositions, mais elles sont mensongères quand elles prétendent résoudre le « problème de l’emploi ». D’autres sur votre droite avancent la funeste préférence nationale sur le thème « les émigrés dehors, les français d’abord ». Inutile de dire à quel point les défenseurs de cette thèse sont aussi dangereux que menteurs. Tous ces programmes sont souvent résumés en une phrase : « Avec moi, le retour au plein emploi ».
Ces promesses sont et seront toujours un mensonge. Mensonge aussi énorme que de supprimer le remboursement des médicaments sous prétexte que personne ne sera plus malade.
Ainsi pour vous et la plupart de vos collègues, le salarié proche du licenciement est un « client », un sujet digne d’intérêt. Vous allez à grands renforts de déclarations dénoncer la fermeture de certaines usines, même si en tant que libéral votre religion vous interdit d’être trop véhément. Mais quand ce même salarié se trouve au chômage, il passe à vos yeux de victime à coupable ! Non seulement vous le négligez mais pire : vous le méprisez, le contrôlez, le harcelez et le forcez à accepter n’importe quel petit boulot à n’importe quel prix. Et cela au nom de la sacro-sainte valeur « travail » qu’il faudrait d’ailleurs appeler « emploi ». Car voyez-vous la méprise est dans ce mot. La valeur travail dont vous parlez, l’immense majorité des chômeurs la partage. Mais ils n’en ont pas la même définition que vous. Lorsqu’ils sont autour des ronds-points à parler politique, lorsqu’ils font des propositions sur une fiscalité juste assortie de services publics renforcés et non dégradés, lorsqu’ils élèvent leurs enfants, lorsqu’ils font partie d’une des milliers d’associations sans lesquelles la France n’existerait pas, lorsqu’ils aident leurs amis, lorsqu’ils participent au grand débat national que vous organisez, …, ILS TRAVAILLENT.
Mais au fait, pourquoi la valeur travail ou plutôt la valeur emploi serait-elle prioritaire ? Pourquoi serait-elle supérieure aux autres valeurs ? Par Samuel CHURIN, Comédien la suite ici