La fraude fiscale n'est pas qu'une dérive individuelle. Elle est rendue possible par une multitude d’intermédiaires de toutes tailles, à l'image de ce professionnel des paradis fiscaux enregistré à son insu… Bienvenue dans le monde des artisans de l’évasion fiscale banale, facile et impunie.
Que faire, quand on est un néophyte, d’un héritage fictif de près d’un million d’euros placés illégalement par son défunt père à Jersey ? En tapant « héritage », « off shore » et « paradis fiscal » sur un moteur de recherche, de nombreuses possibilités s’offrent à nous. J’ai donc écrit à « un cabinet conseil » spécialisé dans « la constitution de sociétés offshore et internationales », via le formulaire de contact de son site internet. Ce site est en effet assez explicite sur les services proposés « dans des paradis fiscaux » européens et internationaux. A la rubrique « foire aux questions », les héritiers peuvent trouver des conseils pour utiliser « une société offshore (…) afin d’éviter l’impôt sur la succession ».
La publicité est si caricaturale que l’on pourrait croire à une plaisanterie, mais le lendemain matin, un homme me rappelle. Voici donc la retranscription de cet échange. Vous pouvez l’écouter en ligne ici, lire la retranscription intégrale ci-dessous, et même découvrir le devis (ici et ici) « personnel et confidentiel » reçu le lendemain à Alternatives économiques, dans lequel le directeur de l’officine nous propose « en toute discrétion » « d’ouvrir un compte bancaire numéroté au Liechtenstein ».
Cette discussion a eu lieu le 9 avril 2013, elle a été enregistrée à l’insu de l’interlocuteur, directeur d'une société basée au Royaume-Uni, créée en 2006 et qui cible des contribuables français à travers son site internet, facilement accessible à partir d’un moteur de recherche. C’est un chef d'entreprise respecté, encore invité en 2011 à animer le petit-déjeuner d’un Medef local de l’Ouest de Paris sur la façon dont les entreprises peuvent utiliser l’offshore.
Je me fais passer au cours de cette conversation pour l’héritier d’un cadre d’une multinationale qui aurait reçu des rémunérations importantes sur un compte à Jersey, une île anglo-normande surtout connue pour être un paradis fiscal britannique. Ce compte à Jersey est fictif, et la référence à cette multinationale est choisie arbitrairement, afin d’utiliser un nom connu pour crédibiliser le scénario.
"Il faut oublier la France" La suite sur Alternatives économiques
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