L’ère de l’accès inconditionnel et gratuit aux droits fondamentaux semble décidément bien révolue. Ce fut d’abord la remise en cause de l’aide médicale d’Etat gratuite. Ce dispositif qui permet aux étrangers sans papier – et donc sans droit au travail et droits sociaux - d’être soignés a été créé en 1999 dans la même loi que celle portant création de la CMU. Il était gratuit jusqu’à une réforme votée cet hiver et qui vient d’entrer en vigueur. Désormais les étrangers doivent payer chaque année un droit d’entrée de 30 euros pour pouvoir bénéficier de l’aide médicale d’Etat. Et c’est à présent l’accès au droit gratuit qui risque d’être remis en cause.
A chaque fois les arguments sont les mêmes : lutter contre les abus de droits, participer à l’effort collectif, contribuer à équilibrer les budgets afférents… Pour les uns le déficit de l’assurance maladie, pour les autres le coût de la réforme de la garde à vue. Soyons sérieux, ce ne sont pas ces modestes sommes qui permettront de corriger de telles faillites. Par contre il est clair qu’elles joueront un effet dissuasif certain, et probablement escompté.
D’ores et déjà on constate que de nombreux migrants irréguliers renoncent ou diffèrent le plus tardivement possible leur accès aux soins pour retarder le paiement d’une somme qui peut s’avérer rédhibitoire pour les plus précaires. Ce qui ne peut être que préjudiciable à leur santé et plus généralement à la santé publique. Le risque est le même en matière d’accès au droit. Cette somme ne peut que dissuader de nombreuses personnes à exercer leurs droits. Le pari gouvernemental est donc gagnant-gagnant : des fonds seront collectés d’une part et le nombre de requêtes diminuera d’autre part, allégeant ce faisant la demande de justice.
Une fois ces brèches ouvertes, il sera ensuite aisé d’augmenter le droit d’entrée au gré des difficultés budgétaires. Parions malheureusement que la trentaine d’euros ne durera pas. Et espérons que cette guerre à la gratuité ne touchera pas d’autres services publics sous peine qu’ils perdent ce qui fait leur définition même.
Christophe Daadouch/ blog Laurent Mucchielli