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Qui a tué nos villages ?

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29 janvier 2012 7 29 /01 /janvier /2012 10:09



Discours de Thomas Sankara [1]  au sommet de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA) [2], le 29 juillet 1987 à Addis Abeba


"Je voudrais que nous établissions, M. Le Président un barème de sanctions pour les chefs d’état qui ne répondent pas présents à l’appel. Faisons en sorte que par un ensemble de point de bonne conduite, ceux qui viennent régulièrement, comme nous par exemple puissent (rires) puissent être soutenus dans certains de leurs efforts. Exemple, les projets que nous menons à la Banque Africaine de Développement (BAD) doivent être affectés d’un coefficient d’africanité  (applaudissements). Les moins Africains seront pénalisés et comme cela, tout le monde viendra aux réunions ici."


Voix off : "Le Président du CNR et du Faso, aborde maintenant le problème de la dette des pays Africains."

 

"Nous estimons que la dette s’analyse d’abord de quelques analyses.
Les origines de la dette remonte aux origines du colonialisme. Ceux qui nous ont prêté de l’argent, ce sont ceux-là qui nous ont colonisés ; ce sont les mêmes qui dirigeaient nos États et nos économies. Ce sont les colonisateurs qui endettaient l’Afrique auprès des bailleurs de fonds, leurs frères et cousins. Nous étions étrangers à cette dette. Nous ne pouvons donc pas la payer !


La dette c’est encore le néocolonialisme où les colonisateurs se sont transformés en assistants techniques. En fait nous devrions dire qu’ils se sont transformés en assassins techniques. Et ce sont eux qui nous ont proposé des sources de financement : des bailleurs de fonds ! Un terme que l’on emploie chaque jour, comme s’il y avait des hommes dont les "baillements" suffisaient à créer le développement chez les autres !


Ces bailleurs de fonds nos ont été conseillés, recommandés. On nous a proposé des montages financiers alléchants.. Des dossiers !! Nous nous sommes endettés pour 50 ans, 60 ans, même plus. C’est-à-dire qu’on nous a amenés à compromettre nos peuples pendant 50 ans et plus .
Mais la dette sous sa forme actuelle, est contrôlée, dominée par l’impérialisme. Une reconquête savamment organisée pour que l’Afrique, sa croissance, son développement obéisse à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers, faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer leurs fonds chez-nous avec obligation de rembourser.


On nous dit de rembourser la dette. Ce n’est pas une question de rendre. Ce n’est pas au nom de ce prétendu honneur que de rembourser ou de ne pas rembourser...
M.Le Président, nous avons écouté, applaudi le premier Ministre de Norvège qui ait intervenu ici même. Elle a dit, elle qui est Européenne que toute la dette ne peut être remboursée.


La dette ne peut pas être remboursée parce-que d’abord, si nous ne remboursons pas la dette, nos bailleurs de fonds ne mourront pas, soyons -en sûrs. Par contre, si on payait, c’est nous qui allons mourir, soyons en sûrs également.

Ceux qui nous ont conduits à l’endettement ont joué comme dans un casino : quand ils gagnaient il n’y avait point de débat, maintenant qu’ils ont perdu, ils exigent le remboursement et on parle de crise, NON !


M. Le président, ils ont joué, ils ont perdu, c’est la règle du jeu, la vie continue ! (rires, applaudissements)


Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce-que nous n’avons pas de quoi payer.
Nous ne pouvons pas rembourser la dette parce-que nous ne sommes pas responsables de la dette.
Nous ne pouvons pas payer la dette parce-que au contraire, les autres nous doivent ce que les plus grandes richesses ne pourront jamais payer, c’est-à-dire la dette de sang. C’est notre sang qui a été versé !


On parle du Plan Marshall qui a refait l’Europe économique, mais on ne parle jamais du plan Africain qui a permis à l’Europe de faire face aux hordes hitlériennes, lorsque leur économie était menacée, leur stabilité était menacée. Qui a sauvé l’Europe ? C’est l’Afrique ! On en parle très peu. On en parle si peu que nous ne pouvons pas, nous, être complices de ce silence ingrat. Si les autres ne peuvent pas chanter nos louanges, nous avons au moins ce devoir de dire que nos pères furent courageux et que nos anciens combattants ont sauvé l’Europe et finalement ont permis au monde de se débarrasser du nazisme.


La dette s’est aussi la conséquence des affrontements et lorsqu’on nous parle aujourd’hui de la crise économique, on oublie de nous dire que la crise n’est pas venue de façon subite. La crise existe de tous temps et elle ira en s’aggravant, chaque fois que les masse populaires seront de plus en plus conscientes de leurs droits face aux exploiteurs qui accusent.


Il y a crise aujourd’hui parce-que les masses refusent que les richesses soient concentrées entre les mains de quelques individus.
Il y a crise parce-que quelques individus déposent dans des banques à l’étranger des sommes colossales qui suffiraient à développer l’Afrique.
Il y a crise parce-que face à ces richesses individuelles (…*) les masses populaires refusent de vivre dans des ghettos ou dans des bas quartiers (...*)
Non ! Nous ne pouvons pas être complices ! Non, nous ne pouvons pas accompagner ceux qui sucent le sang de nos peuples et qui vivent de la sueur de nos peuples.


M Le Président, nous entendons parler de "clubs". Club de Rome, Club de Paris, clubs de partout. Nous entendons parler du groupe des 5, du groupe des 7, du groupe des 10, peut-être du groupe des 100 et que sais-je encore ? Il est normal que nous créions notre club et notre groupe. Faisons en sorte que dès aujourd’hui, Addis Abeba devienne également le siège, le centre d’où partira le souffle nouveau, le Club d’Addis Abeba.


Nous avons aujourd’hui le devoir de créer la "Front Uni d’Addis Abeba contre la dette". Il n’y a que de cette façon que nous pourrons dire aux autres, en refusant de payer la dette, nous ne venons pas dans une démarche belliqueuse, au contraire mais dans une démarche fraternelle pour dire ce qui est. Du reste, les masses populaires en Europe ne sont pas opposées aux masses populaires en Afrique, mais à ceux qui veulent exploiter l’Afrique. Ce sont les mêmes qui exploitent l’Europe. Nous avons un ennemi commun.


Donc, notre club d’Addis Abeba devra également dire aux uns et aux autres que la dette ne saurait être payée. Et quand nous disons que la dette ne saurait être payée, ce n’est point que nous sommes contre la morale, la dignité, le respect de la parole. Nous estimons que nous n’avons pas la même morale que les autres.
Entre le riche et le pauvre, il n’y a pas la même morale. La Bible, le Coran ne peuvent servir de la même manière celui qui exploite le peuple et celui qui est exploité... Il faudrait 2 éditions de la bible et du Coran. (applaudissements) 
Nous ne pouvons pas accepter qu’on nous parle de dignité.
Nous ne pouvons pas accepter qu’on nous parle du mérite de ceux qui paient et de perte de confiance de ceux qui ne paieraient pas (...*)

Un pauvre quand il vole, il ne commet qu’un larcin ou une peccadille. Les riches, ce sont eux qui volent le fisc , les douanes et qui exploitent les pauvres.


M. le Président, ma proposition ne vise pas simplement à provoquer ou à faire du spectacle je voudrais dire ce que chacun pense et souhaite. Qui, ici ne souhaite pas que la dette soit purement effacée ? Celui qui ne le souhaite pas, il peut sortir, prendre son avion et aller tout de suite à la banque mondiale payer ! (rires) Tous, nous le souhaitons. (applaudissements)


Ma proposition n’est pas non plus … Je ne voudrais pas qu’on prenne la proposition du Burkina Faso comme (…*) qui viendrait de la part de...de jeunes sans maturité, sans expérience.


Je ne voudrais pas non plus que l’on pense qu’il n’y a que les révolutionnaires à parler de cette façon. Je voudrais simplement que l’on pense que c’est simplement de l’objectivité et l’obligation. Et je peux citer dans les exemples de ceux qui ont décidé de ne pas payer la dette, des révolutionnaires comme des non révolutionnaires, des jeunes comme des vieux.

Je citerai par exemple, Fidel Castro a déjà dit ne pas payer. Il n’a pas mon âge, même s’il est révolutionnaire !

Je voudrais citer également François Mitterrand qui a dit que les pays Africains ne pouvaient pas payer. Les pays pauvres ne peuvent pas !

Je voudrais citer M. Le Premier Ministre, je ne connais pas son âge et je m’en voudrais de lui demander. Mais...c’est un exemple.

Je voudrais citer également le Président Félix Houphouet Bouagny. Il n’a pas mon âge, cependant il a déclaré officiellement et publiquement (…*) . La Côte d’Ivoire ne peut pas payer. Or la Côte d’Ivoire est placée parmi un des pays les plus aisés d’Afrique, au moins d’Afrique Francophone. C’est pourquoi il est normal qu’elle paie plus en contribution ici ! (rires)


M.Le Président, ce n’est donc pas de la provocation, je voudrais que très sagement, vous nous offriez des solutions. Je voudrais que votre conférence adopte la nécessité de dire clairement que nous ne pourrons pas payer la dette. Non pas dans un esprit belliqueux, belliciste. Ceci pour éviter que nous allions individuellement nous faire assassiner.


Si le Burkina Faso tout seul refuse de payer la dette, je ne serai pas à la prochaine conférence [3].

Par contre, avec le soutien de tous dont j’ai besoin (applaudissements) avec le soutien de tous, nous pourrons éviter de payer . En évitant de payer nous pourrons (...*) à notre développement.


Et je voudrais terminer en disant : chaque fois qu’un pays Africain achète une arme, c’est contre un Africain. Ce n’est pas contre un Européen, ce n’est pas contre un Asiatique. C’est contre un Africain ! Par conséquent, nous devons également dans la lancée de la résolution de la question de la dette trouver une solution au problème de l’armement. Je suis militaire et je porte une arme, mais, M. Le Président, je voudrais que nous nous désarmions parce-que moi, je porte l’unique arme que je possède mais d’autres ont camouflé les armes qu’ils ont. (applaudissements)

Alors chers frères avec le soutien de tous, avec le soutien de tous, nous pourrons faire la paix chez nous. Nous pourrons également utiliser ces immenses potentialités pour développer l’Afrique. Parce que notre sol, notre sous-sol sont riches. Nous avons suffisamment de capacités intellectuelles pour créer ou tout au moins prendre la technologie et la science partout où nous pourrons les trouver.


M. Le Président, faisons en sorte que nous mettions ce fond (...*) d’Addis Abeba contre la dette. Faisons en sorte que ce soit à partir d’Addis Abeba que nous décidions de limiter la course aux armements entre pays faibles et pauvres. Les gourdins et les coutelas que nous achetons sont inutiles.


Faisons en sorte également que le marché Africain soit le marché des Africains. Produire en Afrique, transformer en Afrique et consommer  en Afrique. Produisons ce dont nous avons besoin et consommons ce que nous produisons au lieu d’importer.

 

Le Burkina Faso est venu exposer ici, la cotonnade produite au Burkina Faso, tissée au Burkina Faso (...*) pour habiller les Burkinabés. Ma délégation et moi-même nous  sommes habillés par nos tisserands et nos paysans. Il n’y a pas un seul fil qui vienne de l’Europe ou de l’Amérique. (applaudissements) Je ne fais pas un défilé de mode (rires), mais je voulais simplement dire que nous devons accepter de vivre Africain. C’est la seule façon de vivre libre et vivre digne.


Je remercie M. Le président. La patrie (...*) nous incombe."

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[...*] inaudible


[1] Thomas Sankara, Président du "Burkina Fasso" (Pays des hommes intègres), né le 21 décembre 1949 en Haute Volta. Il dirigea la révolution Burkinabé qui le mena au pouvoir le 4 août 1983. Devenu Président de la Haute Volta il en changea le nom en "Burkina Faso" qui signifie "le pays des hommes intègres". Il fût assassiné, lors d’un coup d’État, le 15 octobre 1987 à Ouagadougou.


[2] OUA L'Organisation de l'unité africaine (OUA) a fonctionné de 1963 à 2002, date à laquelle elle a été dissoute et remplacée par l'Union africaine (UA). Son objectif était de promouvoir l'unité et la solidarité des États africains et de faire acte de voix collective du continent. L'organisation était aussi dédiée à l'éradication du colonialisme et avait établi un Comité de libération afin d'aider les mouvements d'indépendance.


[3] Prémonition ? Il est mort assassiné le 15 octobre 1987, soit 2 mois et demi plus tard.

 

 

 

Lire aussi Thomas Sankara , l’homme intègre / Monde Diplomatique

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