Un article de « Marianne » du 21 janvier 2011 s’intitule « L’Europe malade de l’austérité ». Il est curieux que cet
hebdomadaire réduise cette portée à l’Europe car aujourd’hui c’est bien l’ensemble du monde capitaliste qui est
malade de l’austérité, qui en fait, est l’autre nom du capitalisme mondialisé.
La Tunisie en est le parfait exemple. Tout le monde a en tête « l’excellente » intervention de DSK en 2008 (en ligne
sur www.politique.net) : après avoir été fait Grand Officier de l’Ordre de la République par Ben Ali, DSK n’a que
louanges à la bouche pour « la politique économique saine » de la Tunisie, il l’érige même en « exemple pour tous
les pays émergents » et la félicite au nom du FMI, même s’il lui demande de pousser encore plus en avant son
intégration économique, « seul moyen d’être à l’abri des crises extérieures » (sic !). Il va même plus loin, puisqu’il
termine ses propos en assurant aux Tunisiens que, grâce à cette politique et malgré la crise, la Tunisie pourra
« continuer à fonctionner très correctement ».
Les membres du gouvernement de la République française, à commencer par Fillon, nous ont expliqué, en long, en
large et en travers, ce qu’était pour eux, et les économistes, une politique d’austérité : l’augmentation des impôts
et la baisse des dépenses publiques.
Pour les peuples, l’austérité, c’est plus simple : c’est la baisse continue du pouvoir d’achat et des normes sociales !
Les deux ne sont pas vraiment contradictoires : la coupe dans les dépenses publiques se fait au détriment des
politiques publiques, à commencer par les services publics et les acquis sociaux, comme la Sécu, le temps de
travail, la garantie de l’emploi, etc. Jamais sur les rémunérations du capital et de la spéculation.
Concernant les impôts, leur augmentation se fait essentiellement depuis Colbert sur le dos de « la classe
moyenne » ; par la TVA (comme sur Internet ou la TVA sociale en Allemagne) ou par l’impôt direct ou indirect.
Quand des niches fiscales sont remises en cause, ce sont plus les aides à l’emploi d’une nourrice qui sont
concernées que les placements spéculatifs financiers ou les gros patrimoines.
Bref, la crise mondiale, finalement, ne donne qu’un prétexte supplémentaire aux gouvernants du monde pour taxer
leurs concitoyens au profit de quelques nantis qui en profiteront pleinement lorsque les beaux jours de la Bourse
seront revenus. Mais cela commence à se voir et à se savoir.
Cette cure d’austérité date, pour les Français, des années 90 et s’intensifie aujourd’hui. Pour les Tunisiens, elle
date de la libéralisation de l’économie par Ben Ali depuis les mêmes années 90 !
Le soutien à Ben Ali de nombreux médias occidentaux et des gouvernants se faisait (et ils tentent de se justifier par
cet argument encore aujourd’hui) au nom des « réformes économiquesextraordinaires accomplies depuis 23 ans »
et du barrage qu’il était censé constituer face àl’islamisme. Je ne m’éterniserai pas sur la dictature en elle-même et
ses exactions, car personne ne saurait aujourd’hui la soutenir, mais sur le cœur de la révolution tunisienne qui est,
avant tout, une révolution sociale, donc politique, donc pour la démocratie et, à ce titre, nécessitait le renversement
de la dictature.
L’ouverture de la Tunisie au libéralisme mondialisé est la cause profonde de la révolte tunisienne. En effet,
« l’aspiration nouvelle de l’Afrique à la démocratie » est souvent présentée comme la conséquence positive de
« l’avancée économique » de ces pays par l’intégration à la mondialisation, elle-même positive puisque favorisant le
développement. Ce qui, nous ledémontrerons au long de cet article, se révèle faux. Les peuples « n’aspirent » pas
à la démocratie parce que le système économique libéral leur permet le « développement » par l’intégration
économique ; c’est parce que l’intégration au système économique accentue les inégalités et la pauvreté que les
peuples trouvent la force en leur sein de renverser les dictatures.
C’est d’ailleurs une constante des révolutions durables : il faut quelque chose en plus d’une dictature pour amener
les peuples à risquer de se faire tuer. Il faut que l’existence devienne intolérable. Ce fut le cas en 1789 en France,
c’est le cas, aujourd’hui, en Tunisie.
par Michel JALLAMION, porte-parole de Résistance Sociale /La suite Page 4 u
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