Il a 63 ans, Marcelo Medeiros, et beaucoup d'illusions en berne. Patron d'une petite société de téléphonie à Rio, ce grand homme aux cheveux blancs et à la parole aimable dit n'avoir jamais participé de toute sa vie à un mouvement de protestation, ni voté pour Lula.
Membre de la vieille classe moyenne carioca, plutôt à l'aise dans son quartier de Leblon, un des plus chics de la ville avec son voisin d'Ipanema, il a traversé les dernières décennies en gardant ses distances, sans un mot ou presque contre les affaires de corruption qui ont périodiquement éclaboussé la classe politique et terni toujours un peu plus l'image qu'il se faisait de l'élite au pouvoir.
Mais lorsque Antonio Palocci, chef de la Maison civile - l'équivalent local du premier ministre -, a dû démissionner en juin 2011, accusé d'enrichissement personnel, suivi, quelques semaines plus tard, par Alfredo Nascimento, le ministre des transports, mis en cause avec une trentaine de collaborateurs dans un vaste scandale de détournement d'argent, le sang de Marcelo n'a fait qu'un tour. "La corruption est un sport national, lâche-t-il, mais il n'avait jamais atteint une telle ampleur."
Au Clipper, un bistrot sans prétention du quartier, où Marcelo retrouve quotidiennement une bande de copains du même âge autour d'une bière, il lance sur le vif l'idée d'une marche de protestation contre "le vol et l'impunité". Maninho et Ony, deux vieux compères, adhèrent immédiatement au projet.
D'autres suivent. Une mailing-list est créée. Et la date de la manifestation fixée dans la foulée au 31 juillet, sur une placette non loin de la plage. "Nous voulions secouer la passivité de nos concitoyens, dit-il. Même le quotidien espagnol El Pais s'était demandé pourquoi, avec tant d'affaires, le Brésil n'avait pas encore connu son mouvement des indignés." Il ajoute, avec un large sourire : "Au début, c'était un peu comme une farce, nous étions l'Armée de Brancaleone !" - une référence au film italien de Mario Monicceli. Lire la suite sur Le Monde
commenter cet article …