Il y a des jours où le métier de garde des sceaux est fatigant. Michel Mercier a officiellement saisi, mercredi 21 septembre, le Conseil supérieur de la magistrature (CSM) d'une liste de cinq procureurs généraux sur lesquels il réclame un avis. Il s'agit de postes sensibles, pour de hauts magistrats qui vont rester en place pendant sept ans, et qui ont fait l'objet de courtoises, mais intenses négociations depuis le printemps.
Malheureusement, le ministre s'est vu imposer une candidate, à Bordeaux : c'est là que sont instruites les affaires Woerth-Bettencourt, qui s'intéressent à un possible financement illégal de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2007, et le chef de l'Etat entend installer un procureur général qui suivra les dossiers de près et saura prendre les décisions qui s'imposent.
NÉGOCIATIONS DISCRÈTES
La liste présentée par le garde des Sceaux, la première d'une longue série, pourrait n'être qu'une formalité : l'avis du CSM sur les nominations des magistrats du parquet n'est que consultatif, les procureurs généraux étant nommés en conseil des ministres. Mais le ministre de la justice a répété qu'il ne passerait pas outre l'avis du CSM.
Pour éviter un avis défavorable de ce dernier, M. Mercier négocie discrètement. Car au total, 14 procureurs généraux sur 35 vont changer ; et si l'on ajoute les cohortes de procureurs et magistrats du siège, le jeu de chaises judiciaires est complexe. Pour le ministre, il s'agit "du plus important mouvement de toute la Ve République".
Quatre des cinq procureurs généraux ne posent pas de problèmes. Le garde des sceaux pensait installer son directeur de cabinet, François Molins, à la tête du parquet général de Lyon. Le CSM lui a fait comprendre que c'était impensable, le ministre étant lui-même président du conseil général du Rhône. François Molins sera ainsi bientôt procureur de Paris, l'un des postes les plus prestigieux, et Jacques Beaume, procureur général de Colmar, viendra à Lyon. Cet ex-procureur de Marseille passe pour un homme de gauche, et M. Mercier entend ainsi témoigner de son ouverture d'esprit.
Il envisage encore de nommer procureur général de Nîmes l'actuel procureur de Versailles, Michel Desplan, qui s'est fait un nom en jugeant en 2003 à Paris l'affaire Elf. Philippe Lemaire, inspecteur général adjoint, devrait partir au parquet général d'Amiens, qu'Olivier de Baynast a déjà quitté pour Douai, et Catherine Pignon, procureure générale à Besançon, devrait être nommée à Angers.
Reste Bordeaux. Le chef de l'Etat a une candidate, Martine Valdès-Boulouque, la procureure générale de Grenoble. Michel Mercier craint fort un avis défavorable du CSM, et encore davantage d'être obligé de passer outre.
UNE PROCHE DE LA MAJORITÉ Par Franck Johannès / Lire la suite sur Le Monde