L’apparition de l’automobile a profondément modifié les élections. Au début du XXe siècle au Royaume-Uni, la pratique s’était généralisée d’amener les électeurs aux bureaux de vote en auto, une aubaine pour la plupart des électeurs, incapables de s’acheter un véhicule — au point que l’on parlait de « motor car party »,une « nouvelle classification » assurait Mosei Ostrogorski dans le livre qu’il consacra au canvassing(démarchage) des agents électoraux : « Les électeurs captés sont conduits au scrutin comme un troupeau, et la victoire est donnée aux partis qui ont non les principes les plus élevés et le plus de lois bienfaisantes à leur actif, mais le plus d’automobiles à leur disposition ». Cette pratique prit une telle ampleur qu’elle fut bientôt dénoncée : « Cet aspect des campagnes électorales devenant de plus en plus accusé, la société anglaise, qui est rien moins qu’insensible à tout ce qui choque le sens moral, commence à éprouver un sentiment de révolte » [1].
Les primaires socialistes de Marseille viennent de redonner une pertinence à cette méthode de mobilisation électorale. La candidate battue Marie-Arlette Carlotti s’en est indignée sans être suivie. Malheur aux vaincus. Rien que de très normal ont même objecté des dirigeants nationaux du PS, à commencer par le secrétaire national aux élections, Alain Fontanel : « Le covoiturage le jour de l’élection, c’est la règle de base du militant politique »(Le Point,14 octobre 2013). Il faut croire que les raisons qui ont éliminé l’automobile outre-Manche ne valent pas en France, en tout cas à Marseille : soupçons de corruption à l’intérieur des voitures, et violation du secret du vote. Sous la IIIe République, pour désigner un électeur acheté ou dominé, on disait qu’il était « un conduit ». Ce serait aujourd’hui une nécessité si on en croit le secrétaire aux élections du PS : « Si vous n’allez pas chercher les électeurs dans une primaire, ils ne viennent pas voter »,sans avoir peur de se contredire puisque, poursuit-il, « la primaire, c’est mobiliser les citoyens en élargissant la base électorale ».Comment élargir une base électorale en amenant voter des électeurs aussi peu motivés ? En renouant avec les vieilles méthodes de la corruption et de la fraude électorales, sans même s’en rendre compte, l’événement devrait condamner les primaires au moins à l’échelon local. La suite sur Blog Monde Diplomatique