Italie: l’austérité à l’épreuve de la mobilisation du peuple
Face à une politique d’austérité de moins en moins supportable, la grogne monte en Italie. Le mouvement protestataire des Forconi, symbole d’un malaise social manifeste, a mené, la semaine dernière, une action d’envergure pour bloquer le pays. René Merle, romancier, agrégé d'histoire, docteur ès lettres, et observateur de la vie politique italienne, répond à nos questions sur ce mouvement de contestation.
JOL Press : Le mouvement protestataire des « Forconi » est très difficile à appréhender par son hétérogénéité... qui regroupe-t-il en plus des agriculteurs l’ayant initié ?
René Merle : À vrai dire, c’est tout à fait nébuleux, parce que le mouvement des Forconi n’a pas une organisation permettant de repérer qui dirige. On a l’impression que le mouvement s’autogère avec des initiatives locales, qui sont remontées du sud vers les grandes cités du nord. On ne sait pas qui lance les mots d’ordre et les initiatives de blocage.
Ce qui est frappant et tout à fait nouveau, c’est que ce mouvement, regroupant à l’origine des paysans, puis des camionneurs, unis dans les Forconi, les fourches, a agrégé toutes sortes de secteurs sociaux en difficulté. Toute une jeunesse déboussolée par le manque de perspectives, des précaires et des chômeurs, a rejoint la protestation.
JOL Press : Ce mouvement a-t-il été « déclenché » par un événement particulier ou est-ce davantage la manifestation d’un ras-le-bol général face à l’accumulation des programmes d’austérité ?
René Merle : On peut penser que c’est un ras-le-bol général. Il y a en Italie un discrédit de la classe politique, qui est ancien, mais qui s’est manifesté avec une acuité nouvelle dernièrement, avec l’arrivée aux commandes du gouvernement Letta, qui réunit à la fois les anciens communistes du centre gauche, du parti démocrate, et les partisans de Berlusconi. Ces derniers se sont empoignés pendant des années et gèrent aujourd’hui l’Italie, avec une aggravation de la politique d’austérité. C’est certainement la goutte d’eau qui a fait déborder le vase.
Le ras-le-bol qui était latent a été extériorisé suite au désespoir provoqué par l’impuissance de la classe politique à sortir de l’austérité. Il n’y a pas eu d’événement déclencheur stricto sensu, c’est plus le climat ambiant des derniers mois, depuis la mise en place du gouvernement Letta.
JOL Press : Ce gouvernement n’est pourtant au pouvoir que depuis quelque mois, n’est-il pas surprenant que son départ soit réclamé dès maintenant ?
René Merle : Le peuple ne laisse pas de temps au gouvernement parce que ce dernier a annoncé qu’il allait continuer la politique économique menée par ses prédécesseurs. Effectivement, il est au pouvoir depuis très peu de temps, mais il a affiché clairement son projet pour l’avenir. La suite sur Jolpress