Comme l'a très tôt relevé -Tocqueville, la France reste spécialiste des règles dures et des applications molles. Nous adorons les lois et les principes, à condition qu'ils s'appliquent d'abord aux autres. Les relations entre la politique et l'argent en fournissent un exemple significatif. Certes, depuis le milieu des années 1980, l'économie de la politique (des élections et des partis) a commencé à être organisée, mais les pratiques grises de débordement des règles ont été poursuivies, devenant à l'occasion des transgressions caractérisées.
Les effets délétères de l'argent sur la politique constituent une vieille rhétorique. Mais elle n'a été longtemps qu'une arme de combat politique sans effets concrets sur le fonctionnement des campagnes et des partis. La question a été refoulée jusqu'au milieu des années 1980. La vie politique semblait ne pas avoir de coût.
Les mythes du désintéressement et de la défense de l'intérêt général occultaient les questions essentielles du financement des carrières et de la compétition électorale. En 1919, Max Weber a été l'un des premiers à montrer l'impact de la professionnalisation sur l'activité politique depuis la fin du XIXe siècle. Aujourd'hui, comme l'a écrit Pierre Bourdieu, "on peut vivre de la politique à condition de vivre pour la politique" - en partageant les valeurs, les codes et les connivences de ses pairs. Et les règles pratiques qui gouvernent la vie politique sont souvent éloignées de celles qui encadrent la vie sociale ordinaire.
Une des particularités françaises réside dans l'abondance des règles produites depuis le milieu des années 1980 à la suite d'une série d'affaires ayant conduit les principaux partis devant la justice. Entre 1988 et 2010, quinze lois et décrets ont été adoptés introduisant un large éventail de règles sanctionnées, parfois pénalement, surtout financièrement : limitation des dépenses électorales pour toutes les élections, transparence des comptes de campagne et des partis, interdiction des dons faits par les entreprises, aides publiques conditionnelles, limitation des dons individuels, etc. La mise à disposition de "fonds spéciaux" (en liquide) à disposition du gouvernement a également été supprimée en 2002. Lire la suite sur le blog de Laurent Mucchielli
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